Entretien avec Abdelhak SADEQUI, délégué CGT BIATSS, Rennes 2

Question : La fusion des universités Rennes 1 et Rennes 2 a été mise en échec, il semble que le projet soit repris sous          une forme nouvelle, peux tu expliquer ?

 

  1. S. : Il est nécessaire de revenir en arrière. En 2007 avec la loi LRU, Sarkozy et Pecresse alors ministre de l’enseignement supérieur, introduisent l’autonomie des universités en modifiant la gouvernance ; réduction drastique du nombre des administrateurs et en y introduisant des « personnalités extérieures ». Il y a là un changement radical, les prérogatives du Président d’université sont accrues, primes à l’appui.

 

En 2012, s’appuyant sur la LRU, le Président de Rennes 2 d’alors engage la fusion de Rennes 1 et Rennes 2. Il en fait adopté le principe par le CA dominé par le Sgen CFDT (élu au plus fort reste). Seule la CGT s’y oppose. Au départ la fusion est une coquille vide qu’il faut remplir en définissant les secteurs disciplinaires qui vont composer la future entité. Cette définition précisée dans les groupes de travail mis en place donne 3 secteurs pour Rennes 1 et 1 secteur pour Rennes 2. Comme les candidatures au CA doivent être l’émanation de 2 secteurs disciplinaires, Rennes 2 est de fait rayée de la carte, il n’y a plus fusion mais absorption.

 

La démission de la CGT des groupes de travail, va permettre de poser les questions. Une AG d’étudiants et personnel dans un amphi plein à craquer va contraindre la CFDT de s’opposer à la fusion. L’unanimité ainsi réalisée va mettre la fusion en échec et le nouveau Président de Rennes 2 est élu sur le mandat clair : non à la fusion.

 

                  Et pourtant……

 

  1. S. : Depuis un an et demi, conséquence de la loi LRU, le financement de l’université est scindé entre la recherche et la pédagogie et il est attribué sur la base de projet, c’est l’IDEX. Ces projets doivent obligatoirement être communs à plusieurs établissements. Le projet présenté par les 6 établissements Rennes 1, Rennes 2, INSA, ENSCR, ENSR et Sciences PO a été retoqué non pas sur son contenu mais sur sa gouvernance. Voilà donc que resurgit la question de la fusion.

 

Le Président de Rennes 2 propose en effet la mise en place de l’UNIR ( UNIversité de Rennes)  il présente cela comme une union à l’intérieur de laquelle chacune des 6 entités garderait sa personnalité juridique et morale.

 

                  Ça ce sont des éléments de langage, quelle est la réalité ?

 

La réalité c’est que la Cour des Comptes dans son audience du 15 mars 2018, pointe du doigt les retards dans les fusions d’universités et la mise en place des ComUE  (communautés d’université et d’établissements) en particulier celle de Bretagne Loire  (UBL)qui devrait être un regroupement des universités des deux académies : Nantes et Rennes.

Le rapport de la Cour des Comptes enjoint donc au gouvernement d’accélérer les fusions et regroupement.

 

Par conséquent dans la presse locale on voit un bel unanimisme autour de ces exigences. Que ce soit M. COUET, Président (PS) de Rennes Métropole ou Mme GADON , « référente » d’En Marche en Ille et Vilaine on retrouve la même exigence d’une accélération de la fusion et de la mise en place d’UNIR. Ce qui est frappant c’est la similitude du vocabulaire. Il n’est plus question du droit au études, du service publique de l’enseignement supérieur et de la recherche, du bac comme premier diplôme universitaire, mais de « marché de la connaissance », « ambition européenne », « mondiale » !!!!

 

Le président de Rennes 2, le chef de projet de l’UNIR était convoqué au Ministère le 19 avril 2018. C’était la veille d’un vote important sur le blocage de l’ Université et il n’a sûrement pas été au Ministère pour exposer les revendications des étudiants, des enseignants et personnels, mobilisés  contre la loi ORE – Parcoursup mais, selon ses dires la veille de son RDV lorsqu’il avait reçu, à sa demande les représentants des étudiants et des personnels mobilisés contre la loi ORE-Parcoursup pour discuter  d’un point inscrit à l’ordre du jour depuis une date antérieure, nous avions compris qu’il s’agissait de la structuration du site rennes et de l’UBL, autrement dit de la fusion….

 

Il ne faut pas se voiler la face une université qui enseigne les sciences humaines et sociales ne les intéressent plus nos décideurs, quoiqu’il en soit, à terme c’est la disparition de Rennes 2 qui est en jeu.

 

On peut même dire que la Présidence de l’université a mis a profit le blocage de la fac pour shunter les institutions représentatives et mettre en place des « groupes de travail » à leur place. Quinze groupe de travail, associant 250 personnes en dehors de tout cadre légal….

 

                  et les organisations syndicales ?

 

Depuis l ‘évacuation des étudiants par les CRS, le site de Rennes 2 est sous contrôle d’accès. Par exemple mon badge me donne accès au bâtiment ou je travaille mais pas aux autres bâtiments. Comment prendre contact avec mes collègues dans le cadre de mon mandat syndical ? L’université de Rennes 2 est une des rares universités à être équipées de caméras de surveillance. Petit à petit un climat autoritaire s’installe.

 

La CGT et FO  avec les syndicats étudiants se sont prononcés contre UNIR, les adhérents du SNES Sup sont majoritairement contre aussi, mais nous avons le sentiment d’une volonté de passage en force.

Par exemple le Ministère recrute des personnels pour UNIR, qui n’existe pas, il recrue aussi des personnel pour la ComUE Bretagne Loire qui n’existe pas davantage !!

 

Pourquoi un tel investissement sinon parce qu’avec les regroupements se sont des filières qui disparaissent, des postes qui sont supprimés.

 

Les élections aux conseils centraux doivent avoir lieu en mars 2019, cette question sera au centre de l’élection d’où la tentation du ministère d’imposer UNIR avant.

 

                  En guise de conclusion provisoire !

 

Nous n’avons cessé d’intervenir dans les AG statutaires, dans les instances ou nous siégeons nous avons communiqué via nos listes de diffusions et à travers les tracts pour alerter notre communauté de ces projets en préparation. La situation est grave, le rouleau compresseur continue sa folle course et la CGT  ne pourra pas l’arrêter à elle seule, il est grand temps que chacun(e) parmi les personnels et les étudiants prenne sa responsabilité. Les autres sections syndicales doivent également assumer leur rôle pour l’intérêt général de notre établissement.

 

En combinant la LRU , la loi Fioraso, la fusion des universités, la loi ORE et parcoursup, la réforme du bac et bientôt celle de la licence nous apparaîtra  la privatisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est l’enjeu majeur de la prochaine décennie.