Témoignage d’un salarié du privé qui atteste des reculs dramatiques des droits et de la condition ouvrière.

“Le 2 février prochain se tiendra la 2ème conférence des comités pour l’unité pour la défense des retraites. La défense de tous les régimes de retraite des statuts et des conventions collectives contre l’instauration d’un système de retraite individualisée par point est une bataille décisive pour en finir avec le gouvernement Macron.
L’unité de tous les salariés du public et du privé, actifs et retraités, l’unité jusqu’au bout avec leurs organisations est décisive. Le POID est bien sur partie prenante de ce combat.
Un comité pour l’unité de salariés du privé (métallurgie, bâtiment, commerce….) est en train de se constituer. Vous lirez ci dessous un premier témoignage qui atteste des reculs dramatiques des droits et de la condition ouvrière. Voilà le résultat de la politique du gouvernement Macron et de ses prédécesseurs depuis des décennies. D’autres témoignages suivront. A vos plumes.”

 

Témoignage salarié dans le privé.

Je dois être chez le client à 8 heures, donc départ à 7h30. Les plannings sont établis pour 8 heures (8h00-12h00 -14h00-18h00). Le planning-papier n’est jamais en contradiction avec la loi ou le bulletin de paie. Les pannes tombent tout au long de la journée, qui rajoutent des heures et empêchent les pauses. Normalement c’est 38 heures par semaine, en hiver c’est minimum 3 heures de plus par jour (8h00-13h00 – 14h00-20h00) soit 11h00, souvent plus, jusqu’à 22h00 (13h00) avec une heure de « pause » le midi dont 1⁄2 heure pour rejoindre le client de 14h00 et 1⁄2 heure pour trouver à manger et manger. En moyenne 12 heures par jour sur 5 jours, donc 60 heures par semaine dont plus du 1/3 ne sont pas payées (seules 38 heures payées, aucune heure sup payée, pas de récupération). Quand tu bosses à ces rythmes si tu prends le temps de marquer tes heures tu n’en finis jamais, il y a une telle nausée que la paperasse est ressentie comme un épuisement, une agression supplémentaire.

Le fuel obligerait à utiliser des masques à cartouches qu’aucun employeur ne veut jamais payer et qui ne sont d’ailleurs pas très onéreux aujourd’hui. Le matériel donné par les patrons c’est le masque qu’on voit dans les hôpitaux, une étoffe avec ficelles derrière pour protéger la bouche et le nez. Je prends des masques en papier avec clapet pour la respiration sur le compte de la boîte, mais inadaptés. La médecine du travail le sait mais quels sont leurs moyens d’obliger les employeurs ? J’ai demandé des radios des poumons depuis 15 ans, on me répond à chaque fois comme si j’allais recevoir une convoc incessamment, et puis on révoque le problème deux ans plus tard lors de la visite avec de moins en moins de conviction, on fait semblant d’y croire parce qu’on sait qu’ils n’ont aucun moyen de faire respecter un minimum d’hygiène face aux patrons.

Sur le bulletin de paie il n’y a aucun niveau, aucun coefficient, donc difficile de savoir si je suis dans les clous de la grille. Je touche presque 1700 euros net avec 25 ans d’ancienneté, c’est vrai que c’est bas par rapport à la qualification et aux heures faites. Il y a une prime de presque 2000 euros une fois l’an.
Agiter la pseudo-revendication d’une pseudo convention collective nationale de la métallurgie participe de l’effacement des acquis dans les secteurs qui avaient négocié les meilleures conditions exprimées dans les conventions collectives locales. Seule l’intervention des intéressés peut bloquer cette spirale destructrice, en se saisissant de leurs organisations de classe sur le terrain de l’indépendance de classe renforcée par cette intervention-même. Cela pose la question d’un comité pour l’unité dans la métallurgie, voir de plusieurs comités, et donc de notre intervention.

On est de moins en moins à faire ce boulot : les salaires trop bas, conditions de travail, horaires, hygiène, déqualification (on réapprend sur le tas alors que les gouvernements successifs ont supprimé les formations AFPA), …il y a un effet boule de neige : des entreprises ferment de façon accélérée augmentant le nombre de clients et de surcharge de travail pour ceux qui tiennent, …comment un jeune non-encore qualifié regardant tout ça, aurait-il envie d’être recruté dans ces conditions ? Ça n’est pas la peur du travail, c’est la peur du non- travail résultat du chaos des forces productives à tous les niveaux. Je pourrais développer sur ces conséquences multiples que j’observe depuis une dizaine d’années, tant sur le plan des formations qu’on ne peut plus suivre faute de temps que sur le départ de tout un tas de gars hyper formés qui ont quitté la profession en masse ces dernières années.

Une dernière illustration : il y a dix-quinze ans encore on courbait le dos l’hiver en se disant que dès le mois de juin on terminerait à 16h30, aujourd’hui c’est toute l’année les horaires de malade, et l’été il ne faut pas compter finir avant 19 heures, il n’y a plus place pour un étalement annuel des heures.
Et pendant ce temps-là il y a la perte du salaire différé en ligne de mire : depuis janvier 2018, 270 euros environ de cotisations sociales santé sont volés mensuellement à la Sécu. Sur ces 270, 80 euros sont allés sur mon brut ce qui m’amène péniblement à 1700 euros, mais ces 80 ne seront rien quand il n’y aura plus de Sécurité sociale et que les mutuelles débarrassées de la concurrence de la Sécu exploseront leurs tarifs. Et très prochainement ce sont les cotisations sociales patronales qui disparaissent !

Il faut les chasser, et ce que nous faisons aujourd’hui avec les comités pour l’unité pour que s’organise la classe ouvrière confiante dans ses propres forces est une étape importante et obligatoire vers ce dénouement qui permettra que l’on reprenne notre sort entre nos mains.