Larbi Benchiha, algérien vivant à Rennes, rencontré dans les manifestations de soutien au peuple palestinien

Il nous raconte comment son expérience professionnelle l’a amené à saisir une caméra pour montrer les injustices de la société et les combattre.

Nous lui donnons la parole.

 

J’ai travaillé pendant six ans comme éducateur social auprès de jeunes en rupture scolaire et social dans un quartier catalogué de « défavorisé » à Rennes. C’est cette expérience professionnelle qui m’a fait prendre conscience du dysfonctionnement de la société et surtout des limites du travail social. Ce n’est pas en mettant des éducateurs qu’on résout les problèmes sociaux, la pauvreté, l’exclusion sociale, l’échec scolaire etc. Pour cela, il faudrait carrément changé de paradigme. Dire que dans une ville il y a des quartiers favorisés et d’autres qui ne le sont pas, c’est déjà une anomalie sociétale, pour ce faire, ne faudrait-il pas commencer par réfléchir à la notion de justice sociale ?

Bref, une véritable intégration doit être la conséquence d’une réelle volonté politique. Voilà, brièvement, les raisons, il y en a d’autres, qui furent le déclic de mon engagement dans la voie du documentaire social.

 

Raconter la société n’est plus une option pour moi, cela devient une nécessité. J’ai décidé de quitter mon le métier d’éducateur pour une formation à l’école des métiers de l’image les des Gobelins, puis un cycle complémentaire à l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). A l’issue de ces formations, je suis revenu à Rennes. J’ai travaillé pigiste pour plusieurs télévisions. Puis, a surgit un évènement fondateur pour moi, j’ai rencontré le cinéaste breton René Vautier, le un « cinéaste combattant » pour qui j’ai travaillé comme chef opérateur.  Cette rencontre a été déterminante dans ma vie professionnelle et dans ma pensée en tant que cinéaste documentariste. L’idée d’un cinéma engagé s’est confirmée. Faire du cinéma documentaire m’est apparu comme une possibilité de dire la société.  Incrédule, je savais que le cinéma ne changera pas la face du monde, au mieux, apporte le désir de mieux vivre et le rêve d’un monde juste. Pour une transformation radicale de l’ordre des choses, seule une conscience citoyenne est en mesure de réaliser un tel projet de société.

 

D’éducateur de rue à caméraman de rue

Après la formation, caméra à l’épaule, je me suis souvent baladé dans les rues de Rennes. C’est comme cela que j’ai rencontré un groupe de jeunes qui vivait sous un porche. A Rennes, on les appelé « la bande des chiens ». Je leur rendais visite très souvent, toujours avec ma caméra, même si je ne filme pas. Ce seront ces jeunes qui un jour, m’ont demandé de les filmer. Je n’attendais que ça pour appuyer sur le bouton start. Six  mois plus tard, en 1997, naît mon premier documentaire « Home d’infortune », fruit d’une longue immersion dans le monde de la rue. Lorsque j’ai réalisé ce film, j’avais le sentiment de comprendre un peu mieux l’univers des laissés pour compte. J’allais régulièrement manger avec eux au restaurant social « Le Fourneau ». C’est là que j’ai commencé à échanger avec Yannick, la cinquantaine, mais paraissait nettement plus. Sans doute, les stigmates de la rue… J’ai vite senti qu’il y avait, là, un film à faire avec lui. Pour moi, un film, c’est avant tout le fruit d’une rencontre. Yannick habite alors dans un abri au pied d’un immeuble. Un soir, avec ma camera chargée d’un cassette de 30mn, j’ai poussé la porte de son squat. D’emblée, Yannick, c’est son prénom, m’a dit tu viens pour me filmer ? Sans attendre ma réponse, il a rajouté, tu aurais dû me prévenir, je me serais fait une beauté. Ce soir-là j’ai filmé Yannick, one shot pendant les 30mn. J’en ai sorti un film de 30mn : « La vie sans toit ».

 

A celui-ci succède « Home squat, le wagon des punks » qui conclura la trilogie consacrée aux gens de la rue. Encore une fois, c’est le souci de la rencontre qui m’amène à réaliser ce film avec ce groupe de jeunes qui s’était installé au port du Légué à Saint-Brieuc. Ils avaient construit des barrières autour d’un wagon désaffecté. Je savais qu’il y avait une vie à l’intérieur de cet espace. Comme pour mes films précédents, j’ai pris mon temps. C’était une micro-société aux abords de laquelle je passais régulièrement, jusqu’au jour où j’ai poussé la porte. Les habitants ne m’ont jamais demandé de justifier ma présence. C’était un lieu d’une liberté incroyable. En leur proposant de projeter mes films documentaires, ils ont pu découvrir ma pratique cinématographique, puis, des liens se sont tissés et j’ai filmé leur quotidien sur une année entière.

 

Rendre lisible des enjeux de société

J’aime le cinéma qui porte les voix publiques, qui est accessible à tous. L’enjeu pour moi est de faire des films que la société puisse s’en approprier, que le film s’affranchit de son auteur et devient autonome, accède au statut d’objet d’utilité sociale.

 

Le cinéma documentaire c’est la nécessité d’apprendre pour comprendre et le plaisir de voir pour s’émouvoir…

Ce qui est fondamental, c’est de donner à voir et à comprendre des histoires de vie. On peut passer devant les choses, les voir au quotidien, sans les comprendre. Par le cinéma documentaire, on peut donner à voir et à entendre une problématique et la rendre partageable, voire empathique. Ainsi, on peut s’approprier les problématiques qui nous concernent tous, puisque nous interagissons au sein d’un seul et même espace collectif. Je travaille souvent avec des gens qui vivent à la lisière de la société, des règlementations, ou d’un mode culturel alternatif. L’enjeu est de casser cette lisière et de la rendre poreuse pour que les gens puissent imaginer une circulation entre leurs différents mondes sociaux.

 

Il s’agit de se comprendre, pas juste de se regarder. Il faut créer des rapports, des intérêts communs, même s’ils sont différents, car là où il n’y a pas d’échanges, c’est le repli qui prend la relève. Quand je filme, c’est pour propose de regarder là où, habituellement, le regard se détourne. C’est dans ce souci de rendre lisible qu’un jour, au détour d’une rencontre, je me suis intéressé à l’histoire des essais nucléaires et à leur impact sur les populations et leurs environnements.

 

Le documentaire, une voie pour aller plus loin

J’ai commencé la trilogie sur les essais nucléaires en 2008 avec le film « Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires ». Pendant le tournage, j’ai appris que la France avait continué ses essais jusqu’en 1966 en Algérie alors que le pays était indépendant depuis quatre ans. Il me semblait alors indispensable de continuer à explorer ce qui était caché. C’est comme cela qu’est né le film « L’Algérie, De Gaulle et la bombe » en 2010. Je ne pouvais pas laisser cette histoire dans l’oubli. 

Pour aller plus loin encore, en 2016, j’ai réalisé le troisième film de la trilogie : « Bons baisers de Morura ». Il s’agit de montrer la logique nucléariste militaro-industrielle. Raconter les conséquences des radiations sur le long terme, sur plusieurs générations. Cela nous concerne tous. En France, on ne parle pas de ces sujets ! Alors que dès les années 1960, le biologiste Jean Rostand affirmait que le nucléaire altérait les génomes ! Nous le savions. Les essais ont eu lieu, loin des pays commanditaires, mais dans des zones peuplées.

 

L’histoire des essais nucléaires est un héritage sans fin.

La trilogie n’a pas suffit à clore cette histoire, j’ai découvert que dès 1945, Joliot-Curie Frédéric a été nommé à la tête du CEA et aussitôt inaugure l’institut Français du Radium. Voilà ce qu’il a dit à l’assistance : « Si je pouvais, je lancerai sur la France 2000 prospecteurs d’uranium ! Ils balaieraient systématiquement notre sol au compteur Geiger du Pas de calais aux Pyrénées. »

Entre 1948 et 2001, 250 mines d’uranium ont été exploitées pour fournir l’uranium, un combustible nécessaire au programme nucléaire. Ainsi est né mon quatrième film « Bretagne radieuse » qui retrace cette histoire et surtout le scandale de la contamination des anciennes mines d’uranium.

Actuellement, je travaille sur un nouveau film, je suis seulement en phase d’écriture, mais je sais que ce film s’adosserait à une mission scientifique dans le but de réaliser une enquête radiologique sur les anciens sites nucléaires sahariens.

 

VENT DE SABLE :

https://vimeo.com/105111755

Mot de passe : nucléaire

 

L’Algérie, De Gaulle et la bombe

https://vimeo.com/174206050

mot de passe : DEGAULLE

 

Bons Baisers de Moruroa

https://vimeo.com/230926871

Mot de passe :  Moruroa

et pendant ce temps là

“Et pendant ce temps-là, les requins se gavent.
J’ai lu sur twitter le mot d’un jeune qui se plaignait que son cadre supérieur de père, réfugié comme lui sur l’île d’Oléron, passait son temps sur le web à racheter des actions dévalorisées par la crise. Ce monsieur est un petit joueur évidemment, comme l’illustre The Economist le 21 mars 2020 :
“Des rumeurs circulent selon lesquelles Apple, avec une trésorerie brute de plus de 200 milliards de dollars, avec des ambitions sur Tinseltown (Hollywood njrk), s’empresserait d’acheter Disney, dont le prix a presque diminué de moitié depuis janvier.  Warren Buffet, de Bershire Hathaway, qui dispose de 128 milliards de dollars et qui a longtemps râlé contre les actions surévaluées, pourrait enfin trouver une ou deux bonnes affaires. Après avoir levé un montant record de 888 milliards de dollars l’année dernière, les sociétés de capital-investissement sont à l’affût. Steve Schwartzman a déclaré au début de ce mois que la dislocation et la peur causées par le coronavirus ont créé “une opportunité substantielle pour Blackstone”, la puissance économique qu’il dirige.”

Expression d’un adhérent

Les « néomalthusiens »

Le journal anglais The Guardian félicite le prince Henry qui recommande de diminuer le nombre d’enfants. « Un enfant de moins, écrit ce quotidien prétendument pro-travailliste, permet de réduire les émissions de CO2 de 58,6 tonnes, c’est 25 fois plus que tout autre mesure écologique ».

Les gens qui veulent diminuer la population mondiale, sous un masque pseudo écologique comme Henry ou le député écolo ancien ministre Cochet ou non, sont les ennemis de la classe ouvrière. Marx l’a démontré en polémiquant contre le prêtre et théoricien bourgeois Malthus (1766-1834). Malthus considère les travailleurs comme des poids pour la société et veut en diminuer violemment le nombre.

Nos néo malthusiens d’aujourd’hui, têtes pensantes du mouvement « décroissant » mesurent, mesurent l’impasse du capitalisme et veulent s’en sortir par la diminution de la population mondiale. Mais ils ne voient pas ou prétendent ne pas voir que la bourgeoisie parasite la société et l’empêche de résoudre tous ses problèmes, notamment le problème écologique. Ce n’est pas la taille de classe ouvrière qui n’est pas compatible avec les besoins de la société, c’est l’existence de la bourgeoisie parasitaire qui n’est plus acceptable.

Sans le savoir le prince Henry illustre donc une phrase du Manifeste du Parti Communiste (Marx et Engels 1847) : « La classe dominante s’avère désormais incapable de régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave au sein de son esclavage, parce qu’elle est contrainte de le laisser déchoir dans une situation où elle doit le nourrir, au lieu d’être nourrie par lui. La société ne peut plus vivre sous cette domination, c’est dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec les besoins de la société ».

Faut-il faire moins d’enfants pour sauver la Planète ? Courrier International 22/8/2019, reprise de The Guardian 31/7/2019
Marx, Engels, Critique de Malthus, textes réunis par les éditions Maspero 1978
Yves Cochet : pour sauver la planète, il faut « limiter nos naissances » Ouest-France 7/1/2019

Manque d’eau

Le manque d’eau est un des défis terribles de l’humanité dominée par l’impérialisme. Deux tiers de la population mondiale sont confrontés à des pénuries d’eau, essentiellement en Afrique et en Asie. Deux milliards d’humains n’ont pas accès à l’eau. Mais, cela ne concerne pas tout le monde dans les mêmes proportions : l’eau coûte plus cher aux pauvres. Selon l’Unesco, ce sont les habitants des bidonvilles, notamment en Afrique, qui payent l’eau le plus cher. Ils consacrent jusqu’à 30 % de leur salaire à l’eau en bidons.

L’eau coûte plus cher aux pauvres. Courrier International 22/8/2019

Dehors Bolsonaro

● Le Monde 24/8/2019 Brésil : « Pour Jair Bolsonaro, combattre le défrichement va à l’encontre de l’intérêt national,dénonce Marcio Astrini, chargé des politiques publiques chez Greenpeace. Alors… il l’encourage. Et l’une des façons de défricher l’Amazonie consiste à y mettre le feu. » « En Amazonie, il n’y a quasiment pas d’incendie qui ne soit pas volontaire », renchérit Ane Alencar, de l’Institut de recherche environnemental d’Amazonie (IPAM). Les dix communes qui ont le plus défriché en 2019 sont d’ailleurs aussi celles où les incendies ont été les plus importants, précise l’IPAM. Le feu sert à « nettoyer » la zone, une fois extrait le bois, voire à fertiliser les sols…

L’élevage et la culture du soja – le Brésil est le premier exportateur du grain, comme de viande bovine, notamment vers l’Europe – sont les principaux moteurs de la destruction de la plus grande forêt pluviale au monde, auxquels il faut ajouter la spéculation foncière des grileiros, nom donné à ceux qui font main basse sur les terres publiques. « Des mafias sont à l’œuvre pour décimer la forêt, reprend Marcio Astrini. Et le défrichement ne vient pas seul. Dans son sillage, il y a la violence, la pauvreté, le travail forcé. »

● Ouest-France 24/8/2019 : Mme Diaz, ministre de agriculture de Bolsonaro, héritière d’une des plus puissantes familles qui a toujours la main sur les terres du Mato Grosso do Sul (état du centre ouest du Brésil, le plus touché par la déforestation et les incendies) déplore que les autochtones « contrôlent 12 % du territoire national ».

● Des dizaines de milliers foyers d’incendie volontaires ravagent le poumon de la planète. Bolsonaro se moque des prétendues « pressions » qu’on exercerait sur lui. Tous les écologistes vrais doivent en conclure qu’il faut en finir avec cette politique et en finir avec le gouvernement Bolsonaro et rejoindre la classe ouvrière brésilienne pour organiser la grève générale.